RDC - La politique et la Religion....Suite
Kinshasa, 12/07/2008 / Politique
Dans leur message les Evêques catholiques lancent un appel à la vigilance pour sauvegarder la souveraineté nationale et bâtir notre destinée. Message de la Conférence Episcopale Nationale du Congo aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté à l’occasion du 48ème anniversaire de l’indépendance
Préambule
1. Nous, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), réunis du 07 au 11 juillet 2008 en Assemblée première, saisissons l’occasion de la célébration du 48ème anniversaire de l’indépendance de notre pays, pour adresser à notre peuple et à nos dirigeants, un message d’espérance et d’interpellation qui lance en même temps un vibrant appel à la vigilance si nous voulons atteindre réellement le niveau d’indépendance tant rêvé par les héros nationaux.
Notre indépendance
2. Comme nous le recommande notre hymne national, le bel idéal confié à notre peuple et à nos dirigeants lors de l’accession de notre pays à l’indépendance était celui d’appeler tous les Congolais à “ se mettre debout, à s’unir dans l’effort pour l’indépendance, à redresser les fronts longtemps courbés, à prendre le plus bel élan pour bâtir dans le labeur un pays plus beau qu’avant ”.
Un tel idéal ne se construit pas les bras croisés dans l’idée que d’autres viendront construire le pays à notre place. Il exige un engagement total de la population et de ses gouvernants.
Le travail des analystes et les observations des personnes avisées nous mènent à la conclusion que nous sommes encore loin de réaliser ce beau rêve de bâtir un Congo toujours plus beau qu’avant. Effectivement, ce qui se laisse voir à nos yeux c’est, hélas !, le spectacle dramatique d’un Congo toujours exsangue et extraverti ; c’est le spectacle d’un Congo où la population de plus en plus meurtrie, appauvrie, plongée dans une misère sans nom, continue à broyer du noir et se demande désespérément “ jusqu’à quand cette souffrance ! ”. Ce qui se laisse voir à nos yeux, c’est le spectacle des hommes et des femmes fatigués : fatigués de la crise multiforme, crise politique, crise spirituelle, crise morale, crise des valeurs. Que des gens fatigués de la misère et de la violence !
3. A deux ans du grand jubilé d’or (50 ans) de l’indépendance de notre pays, il est urgent de changer de mentalité et de perspectives et d’envisager des réformes profondes, notamment structurelles, bref de s’engager résolument pour affronter le défi de la misère sociale. Celle-ci a pour noms l’insécurité, la violence, la faim et la malnutrition.
L’impératif doit maintenant être clair et absolument décisif : nous mettre debout en vue de construire notre destinée. Comme Saint Paul qui exhortait les fidèles de Rome à la vigilance, nous vous interpellons : “ Il est temps de nous réveiller ” (Rm. 13,11b), pour ne pas brader notre souveraineté nationale et trahir notre nation. Nous redisons avec force : “ Le Congo n’est pas à vendre ”. “ L’avenir du Congo appartient aux Congolais ”.
Nous estimons que c’est là notre devoir de pasteurs : accomplir notre mission prophétique avec le courage de la vérité, un grand sens de responsabilité devant Dieu et devant l’histoire, l’audace des sentiers nouveaux, dans le souci d’instruire, d’accompagner le peuple et d’édifier la nation autant que le Corps du Christ. Ce faisant, l’Eglise ne cherche pas à se substituer à l’Etat ou aux gouvernants. Elle souhaite simplement mettre chacun devant ses responsabilités en replaçant l’homme au cœur des choix politiques et socio-économiques, tout en exigeant considération et justice pour tous, à commencer par les plus démunis.
Des raisons d’espérer
4. Il est vrai qu’un long chemin a été parcouru depuis une dizaine d’années pour remonter la pente dans la reconstruction du pays. Nous reconnaissons, comme nous l’avons signalé dans un précédent message, que notre pays dispose de beaucoup d’atouts qui peuvent nous permettre de reprendre très vite une place de choix dans le concert des nations tant au niveau continental que mondial. C’est le cas notamment du fonctionnement des institutions issues des élections démocratiques, de la présence des ressources humaines de grande qualité, des ressources naturelles d’une valeur insoupçonnée. Nous notons comme signe d’espoir l’afflux des aides en faveur de notre pays. Les travaux d’intérêt public en projet sont une prise de conscience de la nécessité d’équiper le pays en infrastructures nécessaires à son développement. Il est donc hautement souhaitable que toutes les régions du pays bénéficient équitablement des bienfaits des aides destinées à la reconstruction du pays. Cela ressort aussi du discours du président de la République qui affirme que son ambition est “ de développer les infrastructures de base sur l’ensemble du territoire national, permettant une meilleure circulation des biens et des personnes ”.
Toutefois, il y a encore beaucoup de situations préoccupantes qui risquent de mettre en danger l’avenir de notre pays si nous n’y prenons garde, notamment la corruption, la misère sociale, l’insécurité, l’exploitation irrégulière et illégale des ressources minières et forestières.
Situations préoccupantes
La corruption
5. Dans notre pays, autant chez les Congolais que chez les partenaires de la communauté internationale, la corruption a atteint des proportions aussi inquiétantes qu’insupportables. Cela interpelle notre cœur de pasteurs. Aujourd’hui tous les services se monnayent et s’achètent en bonne conscience. Même ceux qui se disent chrétiens ne se gênent plus à monnayer des décisions politiques, économiques, judiciaires, voire académiques. Comme au temps de la vigne de Nabot, l’argent achète tout et le pauvre se fait déposséder de ses biens (cfr 1R. 21,1-16). La corruption est devenue le cadre général de vie et d’action socio-politique en RD Congo. Il y a péril en la demeure. Pour bâtir un grand Congo ne serait-il pas urgent de décréter une année de lutte contre la corruption ?
La misère sociale
6. De partout dans le pays on fait état d’une misère noire qui frappe la population. Avec la flambée des prix de denrées alimentaires, la famine mondiale est à nos portes. Une couche de la population jeune est désabusée et se livre à la drogue ou à des abus sexuels. A travers toutes les provinces du pays, des contrées entières semblent purement et simplement abandonnées par l’Etat dans un enclavement qui hypothèque tout développement pour les populations.
Ne nous voilons pas la face, en RD Congo des personnes meurent de faim. A travers tout le pays des familles entières sont frappées par la crise alimentaire et sont laissées sans assistance conséquente de l’Etat.
Jusqu’à quand les habitants d’un pays qui en réalité dispose de tant de potentialités agricoles, forestières, lacustres, fluviales, doivent-ils continuer à se nourrir grâce à des programme d’aide humanitaire ? C’est scandaleux et inacceptable !
Il y a aujourd’hui un mur qui sépare toujours davantage les riches des pauvres. La tension salariale entre les hommes politiques et les agents de l’Etat appelle des réformes urgentes. Bien des salaires ne sont toujours pas payés, les enseignants et bon nombre d’agents de l’Etat sont clochardisés. Ce qui fait craindre une nouvelle vague de grève à la prochaine rentrée scolaire si rien n’est fait pour les enseignants...
(Milor)
Le Potentiel