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LAVOIXDUCONGO
2 octobre 2008

Démission du Premier ministre Gizenga

Au-delà d’une querelle artificielle, la lettre et l’esprit Par Le Potentiel J’ai été estomaqué de constater, notamment après avoir entendu sur les antennes d’une radio internationale, qu’à propos de la démission du Premier ministre Gizenga, les Congolais s’étaient inventé un nouveau problème constitutionnel au Congo ; ce problème aurait consisté au fait que M. Gizenga a présenté sa seule démission alors que la constitution ne règle que le cas de démission du gouvernement présentée par le Premier ministre. Je dis «inventé», parce que, quant à cela, il ne se posait aucun problème constitutionnel réel. Je suis heureux que la situation consécutive à la démission du Premier ministre Gizenga ait fini par être réglée en dehors de ces fausses querelles : la décision prise déclarant le gouvernement tout entier « réputé démissionnaire » est juridiquement et politiquement fondée. Mais j’ai pensé que cette contribution restait nécessaire étant donné les remous provoqués délibérément et artificiellement, et aussi pour de nouveau insister sur l’importance du respect des textes et des engagements, afin que des solutions bancales ne servent pas de précédent. C’est vrai que, victime ou spécialiste du formalisme, on peut estimer que la constitution ne parle pas explicitement de la démission du Premier ministre seul, ne citant expressis verbis que de la démission du gouvernement ; il n’en est rien sur le plan concret. Mais, même si tel devait être le cas, pour autant faudrait-il considérer que lorsque le Premier ministre présente sa propre démission, celle-ci ne concerne pas tout le gouvernement ? Il faut d’abord constater et admettre que le fait que la constitution soit muette sur une situation ne signifie pas nécessairement soit ignorée, inenvisageable ou interdite. Il se peut que les choses soient telles qu’aucune nécessité ne s’impose pour parler explicitement de la situation ou que celle-ci se règle tout à fait conformément à la logique et que, ce faisant, elle ne pose aucun problème dont il faille nécessairement prévoir la solution dans la constitution. Quand je dis « il se peut que les choses soient telles que… , il doit s’agir, concernant une disposition ou une institution constitutionnelle ou légale, avant tout du contexte général, de l’économie générale, de la philosophie générale qui préside ou commande l’institution ou la disposition en question. Et, cette économie générale est à chercher avant tout dans l’esprit même de la constitution, du système institutionnel et du régime politique auxquels appartient l’institution ou la disposition ou la situation. S’il n’en était pas ainsi, il suffirait de connaître la langue dans laquelle une disposition est rédigée, de la lire et de tout comprendre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, au Congo, les choses étant réputées si simples, tout le monde, même ceux qui ne savent que lire et écrire, devient juriste et, souvent, économiste, car selon la rumeur publique les études de droit et celles d’économie, parce qu’elles traduisent des aspects de la vie quotidienne et de la situation de chacun, sont faciles. Qu’on se détrompe ! Car s’il en était ainsi, tous les mille cinq cent à trois mille étudiants qui s’inscrivent annuellement dans chacune de ces deux facultés seraient tous licenciés, maîtres et docteurs en droit et en économie ; bien plus, il ne serait pas nécessaire ni utile d’étudier pour exercer des métiers juridiques ou économiques. Un vieil oncle à moi, juge de territoire de son état, s’était arraché les cheveux en apprenant que j’allais faire le droit, se donnant en exemple lui qui était « juge » mais sans avoir eu besoin de faire le droit ; dans un sens, il avait raison, quand on peut se contenter de lire ; mais il avait profondément tort, car le droit ou, plus exactement, la science juridique, ce n’est pas la seule traduction ou le fait de savoir lire la loi, ni les sciences économiques le seul constat des activités de production et d’échange ! Aucun juriste ne pourrait interpréter, aucune interprétation ne devrait être considérée comme bonne ni satisfaisante, en ignorant l’esprit du texte à interpréter, les circonstances qui l’ont commandé ou produit et l’objet pour lequel il a été élaboré. De même, une interprétation littérale qui va manifestement à l’encontre de l’esprit du texte ou de l’institution, ou qui s’avèrerait erronée par rapport à cet esprit, est à rejeter. On ne peut donc considérer une institution, son statut et ses prérogatives sans l’inscrire dans son contexte fait de cet esprit, de ces circonstances et de cet objet, ou encore de la ratio legis. Aussi, en considération de cet impératif de la technique juridique, le fait que les articles 78 et 147 ne font allusion qu’à la «démission du gouvernement», soit à l’initiative du Premier ministre dans le premier cas soit à la suite du vote d’une motion de censure dans le second, sans nulle part envisager la démission présentée par le seul Premier ministre ne devrait-il pas signifier qu’en réalité la constitution interdit à ce dernier de démissionner ni qu’elle ignore cette éventualité ou qu’elle a omis de la régler, pas plus qu’elle ne le fait pour tout autre membre du gouvernement dont la démission n’est prévue nulle part. La vérification des allégations de mon raisonnement est à faire à la lumière du rôle et de la place qu’exerce et occupe le Premier ministre dans le système mis en place par la constitution du 18 février 2006. A cet égard, à n’en pas douter, dans la constitution, le système institutionnel et le régime politique adoptés depuis 2006, le Premier ministre est une pièce sans pareille dans la structure du pouvoir d’Etat. De fait, le constituant congolais, depuis la CNS, en passant par les deux actes constitutionnels de transition, jusqu’à la constitution actuelle, a voulu faire et a fait du Premier ministre le chef du gouvernement. Aussi, toutes les dispositions relatives au statut et aux attributions du Premier ministre devraient-elles s’interpréter à l’aune non pas de l’article 78 mais de l’article 90 alinéa 2 : le gouvernement « est dirigé par le Premier ministre, chef du gouvernement ». C’est que, en effet, le gouvernement est une institution distincte du président de la République, dirigée par un chef, qui n’est pas ce dernier mais le Premier ministre. Ce rôle éminent ressortait encore de l’avant-projet qui prévoyait que la concertation et la collaboration envisagées par les actuels articles 90 alinéa 6 et 91 alinéa 3 entre le président de la République et le gouvernement seraient assurées par une concertation régulière entre celui-là et le Premier ministre ; que, pour éviter trop de précision, cette disposition soit remplacée par l’alinéa 6 de l’actuel article 91 qui renvoie à une ordonnance ne change rien à cette éminence de la place du Premier ministre. Il ne s’agit plus d’un Premier commissaire d’Etat coordonnateur de l’action gouvernementale dirigée par le président-fondateur président de la République. Par ailleurs, le chef du gouvernement est choisi intuitu personae par la majorité parlementaire et le président de la République sur la base de considérations touchant à son équation personnelle comme aux accords politiques passés au sein de la majorité présidentielle et, dans le cas présent, avec M. Gizenga lui-même pour le rôle supposé qu’il allait jouer dans l’élection du Président ; même si la tendance au sein du PPRD est aujourd’hui à minimiser ce rôle, on n’en doute pas quand on se rappelle quels espoirs les dirigeants et les membres de ce parti avaient mis dans le ralliement du patriarche ! A supposer que le constituant ait volontairement omis de parler de la démission du Premier ministre, il est absolument faux d’en conclure qu’il a entendu dissocier les ministres et vice-ministres du sort de celui-là. Quelle logique peut induire un tel raisonnement alors que tous les membres du gouvernement sont nommés sur la proposition du Premier ministre et que, y compris le président de la République, personne d’autre que le Premier ministre seul, ne peut juridiquement prendre l’initiative de leur révocation, quand on sait par ailleurs, eu égard au rôle concret joué par le Premier ministre Gizenga dans la formation du gouvernement, d’où lui viennent les affectueux pseudo successifs de « yandi ve » et de « yandi kaka » ? De même, l’investiture du gouvernement par l’Assemblée nationale est avant tout celle du Premier ministre, lui qui a été désigné par une partie de la classe politique (la majorité parlementaire et le Président) et dont la nomination devrait être entérinée par toute la représentation nationale. Sous le prétexte que la constitution n’en parle pas expressément, pourrait-on assimiler la démission du Premier ministre seul à l’ « empêchement » à propos duquel l’article 90 prévoit à son alinéa 2 qu’ « en cas d’empêchement » l’intérim du Premier ministre « est assuré par le membre du gouvernement qui a la préséance » ? Très sûrement pas. Car, certes toutes les situations d’empêchement provisoire du Premier ministre (maladie, voyage, incapacité temporaire, …) ne sont nulle part prévus, pas plus que ne sont prévus le décès du Premier ministre ni sa démission ; cela ne peut nullement signifier que ces cas ne peuvent pas survenir ou qu’à leur sujet il y a systématiquement vide juridique. Donc, la logique, comme le contexte, montre bien que, quand l’article 90/2 parle de l’empêchement du Premier ministre, il ne peut s’agir que de ces cas d’empêchement provisoire, situation que l’article 79 alinéa 1 prévoit explicitement pour la présidence du Conseil des ministres par le président de la République ; il ne peut pas être question de l’empêchement définitif, comme le cas qui nous concerne. C’est en vain que l’on voudrait dissocier, dans le système actuel, le Premier ministre et son gouvernement, celui-ci reste intimement lié à celui-là, le sort du second dépendant nécessairement de celui du premier ; concrètement, le gouvernement ne peut survivre à la démission du Premier ministre. On ne peut pas parler de la démission du Premier ministre comme passant sans conséquence sur le sort du gouvernement lui-même, comme s’il s’était agi de celle d’un simple ministre ou vice-ministre et, encore moins, de celle d’un fonctionnaire même le plus élevé dans la hiérarchie et que l’on remplacerait discrétionnairement. Il faut reconnaître que, même non dit, il existe bien, dans la démission du Premier ministre, un autre cas typique où le gouvernement est, par voie de conséquence, « réputé démissionnaire » ; c’est la raison, la logique et le bon sens, mais c’est aussi l’esprit de la constitution et du système. Il ne faut pas se contenter de la lettre. Sur le plan politique, la démission «pour raison personnelle» de M. Gizenga a tout de même lieu dans un contexte et un climat particuliers, de contestation de l’action gouvernementale et de rejet du gouvernement Gizenga, ce dernier, et non le Premier ministre seul, étant taxé d’immobilisme, d’inactivité et de manque d’imagination, chacun demandant le départ non du chef du gouvernement seul mais de tout le gouvernement pour qu’il en soit formé un autre. Personne, y compris le Premier ministre démissionnaire, n’est dupe, et chacun sait que la raison personnelle avancée cache en réalité tout ce climat. De telle sorte que ce qu’il fallait considérer c’est qu’alors, même si un «intérimaire» était désigné, il ne peut, avec le gouvernement dans son ensemble, que gérer les affaires courantes ; il serait difficile de comprendre la situation dans laquelle le Premier ministre intérimaire pourrait être pleinement chef du gouvernement et, en même temps, assurer les affaires courantes quelque part ; il ne peut devenir chef de gouvernement que si, ayant fait de nouveau l’objet du consensus de la classe politique, majorité parlementaire et président de la République, il est désigné à ce titre comme formateur d’un gouvernement et être, avec ce dernier, investi par l’Assemblée nationale après audition de son programme gouvernemental. En réalité, si tout le monde était prêt à accepter et à suivre la procédure de l’article 78 et l’accord de majorité et de gouvernement signé dans le cadre de l’AMP, aucun problème ne se serait posé. Si certains ont soulevé des questionnements juridiques, c’est pour défendre des causes particulières. Il y a d’abord certains caciques du PPRD qui voudraient récupérer le poste au profit de leur parti, considérant sans doute que les autres sont quantité négligeable. Ensuite, je suis en mesure de révéler que certains ministres actuels ont effectivement cherché à faire adopter la solution selon laquelle ils resteraient bien en place avec toutes leurs pleines prérogatives et leurs avantages de pouvoir et de position. Mais en fait tout le monde voit que l’intérim ne sera qu’éphémère, voué à céder la place à un gouvernement nommé sur la proposition d’un nouveau Premier ministre nommé en application de l’article 78, de telle sorte qu’il n’y a en fait aucun problème réel. La meilleure manière de mettre fin à cette querelle vaine et creuse est celle aujourd’hui privilégiée sans tenir compte de la distraction qu’on a voulu nous imposer : le gouvernement part avec son chef et ne gère plus que les affaires courantes. Dès lors, que soit mis en branle l’article 78 et le processus des concertations prévues à l’article 78 et que soient appliqués les engagements de l’AMP. L’impression de flottement, comme si on ne savait pas quels textes appliquer, comme si tout était à refaire, aurait donné libre cours non seulement à des spéculations mais aussi à de funestes intrigues. Celles-ci ont du reste, comme on l’a vu, commencé, sans que ce soit dans la volonté de servir l’intérêt général mais simplement pour satisfaire les ambitions et soifs personnelles. Les textes applicables existent et sont précis. D’abord l’article 78, qui ne conditionne pas les concertations entre le Président et la majorité parlementaire à quelques caprices que ce soit ; si cette majorité existe encore il n’y a plus à tergiverser. Il y a ensuite les accords négociés au sein de l’AMP, si les partenaires croient qu’ils ont existé ; certes, on entend des membres d’un parti dire urbi et orbi que les accords sont faits par les hommes et pour les hommes, qu’on peut donc ne pas les appliquer ; alors, si la volonté est de ne plus rester dans ces accords, qu’on le dise clairement au lieu de jouer au chat et à la souris, faisant perdre du temps précieux à la nation, mais il faudra nous montrer une autre majorité parlementaire, cela aussi doit se négocier. Comme c’est facile quand l’on s’en tient aux textes et aux engagements au lieu de créer d’artificiels problèmes ; la leçon nous est encore récemment venue d’Afrique du Sud et de l’ANC ! PROFESSEUR AUGUSTE MAMPUYA KANUNK’A-TSHIABO Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel 2005 Usage strictement personnel. L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.
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