Le Rwanda dit avoir appuyé deux fois une rébellion à se rendre à Kinshasa, sans résultat
Le Rwanda n'a aucun intérêt à faire un coup de force à Kinshasa. Il n'encouragera pas Laurent Nkunda qui se bat contre Kinshasa et installe son pouvoir dans le Nord-Kivu à se rendre à Kinshasa en vue de renverser le régime Kabila. Ce n'est pas dans l'intérêt du Rwanda. "Pensez-vous qu'un coup d'État ait, aujourd'hui, une chance d'aboutir?" C'est l'homme le plus puissant du Rwanda - du pré carré du président Paul Kagame - qui le déclare en fin de semaine au "Soft International".
WASHINGTON S'INSTALLE.
Les yeux dans les yeux, sans sourciller: "Si Nkunda fait mouvement vers Kinshasa,
il est libre. Mais ce ne sera pas avec l'appui du Rwanda".
"Le Rwanda a un problème et un seul: les FDLR. Si Nkunda reste à
la frontière, il aide à la sécurité du Rwanda contre
les FDLR. S'il se déplace, nous serons amenés à nous battre
nous-mêmes contre ceux qui ont juré de nous éliminer",
ajoute-t-il.
"Nous avons déjà appuyé deux rébellions. Nous
avons prévenu les dirigeants du Rcd et les avons conseillés. Nous
leur avons dit de faire alliance. Ils ont cru qu'ils pouvaient diriger le Congo,
eux! Nous avons atteint notre limite. Ce n'est pas que nous appuyons Nkunda.
Il y a certainement des Rwandais ou des Ougandais qui l'aident. Mais c'est quoi
lui remettre 100 ou 200 dollars par rapport aux moyens immenses que peut mobiliser
l'État congolais?"
L'homme fait décrocher une énorme carte géographique du
Rwanda qu'il se fait porter dans son bureau.
Il la déploie sur la petite table basse de bureau. Laborieusement, il
nous explique. Pointe du doigt un point sur la carte.
"Là, c'est Kinigi, nord du Rwanda, à la frontière
de la R-DC, de l'Ouganda et du Rwanda".
Là où des Américains ont construit des bungalows. Le royaume
des gorilles de montagne. Un vrai paradis.
Bill et Hillary Clinton s'y sont rendus à plusieurs reprises. L'ex-1er
couple américain y a passé plusieurs nuits. La Fondation Clinton
aide au Rwanda un projet anti-Sida.
Bill Gates, le patron milliardaire de Microsoft et sa femme Melinda, y sont
venus, au moins deux fois.
A Kinigi, le Rwanda déploie un programme phare de tourisme d'élite.
Cela rapporte gros.
Or, au pied des Volcans c'est là que précisément prolifèrent
les Interahamwe FDLR. C'est leur royaume... C'est une urgence nationale rwandaise
de garder les Interhamwe génocidaires loin de ce site. "Nkunda aide.
Comme il a aidé à sécuriser le processus électoral
au Kivu", nous dit le bras droit de Kagame.
Il aide aussi au sud du Rwanda, vers Kibuye. Là où le Rwanda exploite
le gaz méthane enfoui dans les profondeurs du lac Kivu. Or, là
aussi, le Rwanda fait face à un autre nid des Interahamwe: celui du Sud-Kivu.
Qu'ils traversent le lac et mettent à mal les stratégiques installations
de gaz, le Rwanda verra cela comme une question de sécurité nationale.
Les uns après les autres, l'homme égrène les chiffres.
Ce que le pays a aujourd'hui. Ce dont le pays a besoin pour son développement.
Ce que les installations ont fourni à ce jour.
QUEL EST LE PROBLEME DU CONGO?
"Le Rwanda est un petit pays: il n'a pas besoin de trop de mégawatts
mais il lui en faut pour faire tourner son économie et pour assurer son
développement".
Il en vient à la Centrale hydroélectrique de Ruzizi et évoque
le projet Ruzizi III, les ennuis auxquels fait face la Sinélac, la Société
internationale d'électricité des pays de Grands Lacs, co-propriété
du Rwanda, du Burundi et de la R-DC. Mais la R-DC ne peut faire face à
ses responsabilités financières. La Sinélac ne tourne qu'avec
de l'argent rwandais et... burundais!
Le doigt de notre homme se déplace sur un autre point: celui de la grande
barrière. Il explique ce que le passage des produits miniers dont le
coltan et la cassitérite vers le Rwanda - et vers les points de consommation
- apporte au trésor r-dcongolais.
"On nous accuse d'exploiter les ressources minières de la R-dC. Je puis vous assurer que le Rwanda est faussement cité dans ces rapports d'ONG internationales".
Mercredi 3 décembre à Kigali lors de la réunion de la
Cirgl, le président de l'Assemblée nationale de R-dC, Vital Kamerhe,
s'est adressé aux Parlementaires rwandais dans le petit hémicycle
du Sénat rwandais.
"Le Rwanda et le Congo peuvent ouvrir des perspectives nouvelles de règlement
de la crise du Kivu. Mais nous ne devons pas perdre de vue qu'hier comme aujourd'hui,
la guerre au Kivu n'a pas que des motivations politiques et sécuritaires.
Elle est sous-tendue par des enjeux économiques et financiers importants.
Il s'agit de l'exploitation illégale des ressources naturelles dont regorge
le Kivu et qui procure des revenus plantureux aux aventuriers et mafieux de
tous bords en même temps qu'elle finance les guerres et leurs commanditaires".
"Afin de maximiser les chances d'aboutissement du règlement de la
crise et de rétablissement durable de la paix à l'Est de la RDC,
il est indispensable de s'attaquer directement à la pauvreté qui
est aussi source de la violence endémique dans la sous-région
des Grands Lacs, et de couper les nerfs de la guerre aux groupes armés
en divagation dans cette partie de l'Afrique centrale".
"Pour ce faire, la relance rapide de la Communauté Économique
des pays des Grands Lacs, CÉPGL, afin notamment de réaliser des
projets communs (Banque des Grands Lacs, Exploitation commune du gaz méthane
dans le Lac Kivu, Construction de barrage Ruzizi III, des routes et des Télécoms),
l'adoption des mesures adéquates et concertées pour lutter contre
l'exploitation illégale et le commerce illicite des ressources naturelles
de la RDC (coltan, cassitérite, or, diamant, etc.) et la réalisation
des projets communautaires prévus dans le cadre du Pacte de Nairobi sont
devenues une urgence".
"Nous avons appuyé deux fois une rébellion de R-dC à
se rendre à Kinshasa. Cela n'a rien donné. Cela suffit",
reprend l'homme.
"C'est aux Congolais de régler leurs problèmes. Nous cela
nous a pris trente ans", poursuit-il, expliquant qu'il continue de recevoir
des Congolais qui demandent une "aide". "Cela ne nous intéresse
pas".
Vient un conseil: "Nous avons ici un Paul Rwarakabije, général-major
de Habyarimana, un Interahamwe FDLR qui a quitté le maquis et rejoint
l'APR. Il y a le général Marcel Gatsinzi, un autre dirigeant de
l'Armée de Habyarimana. Il est aujourd'hui ministre de la Défense.
Quel est le problème du Congo? Pourquoi ne faites-vous pas la paix? Cela
ne vous coûtera rien".
L'homme est au moins sûr d'une chose: l'appui de l'Oncle Sam est acquis
à son pays à 100%. L'Oncle Sam qui vient d'ériger à
Kigali son centre régional et a délocalisé son ambassade
sur un site plus impressionnant à la périphérie de la Capitale
rwandaise. Même l'Afrique du Sud ne dispose pas des bâtiments aussi
impressionnants. C'est signe.
T. MATOTU.
Kigali, 11/12/2008 (Le Soft, via mediacongo.net)