Goma: les deux camps se renforcent
Le carnet de Colette Braeckman
Le Soir, le 26 décembre 2008
Alors que les pourparlers de paix entre le gouvernement et les représentants de Laurent Nkunda doivent reprendre à Nairobi le 7 janvier, la crainte renaît à Goma. En effet, les forces gouvernementales et la rébellion s’accusent mutuellement d’opérer des mouvements de troupes à proximité du camp de réfugiés de Kibati, à 15 km au nord de Goma. Laurent Nkunda a écrit à la Monuc (Mission des Nations unies au Congo) pour accuser l’armée d’envoyer des renforts sur cet axe dont son mouvement s’était retiré. Les observateurs onusiens n’ont pas confirmé cette information.
En revanche, l’inquiétude monte à propos du comportement du CNDP (congrès national pour la défense du peuple) qui, selon certaines sources, aurait l’intention, au cours des prochains jours, de forcer le départ des contingents de la Monuc installés sur le territoire passé sous son contrôle. Des informations (non confirmées) font état de renforts venus du Rwanda, qui s’élèveraient à 8500 hommes. La perspective d’une attaque des bases de la Monuc par la rébellion inquiète vivement les organisations humanitaires, des Italiens ayant déjà été pris sous le feu du CNDP, et l’accès aux déplacés devient de plus en plus difficile.
Par ailleurs, parallèlement à l’armée gouvernementale qui avait subi de cinglantes défaites en octobre et novembre et n’aurait plus bougé depuis lors, des groupes de combattants Mai Mai se réorganisent, ayant eux aussi reçu des renforts, (certaines sources font état de 2000 enfants…) et ils se prépareraient à passer à l’assaut de Kiwandja et Rutshuru, deux localités tombées aux mains du CNDP.
La Monuc est particulièrement inquiète par la proximité des zones de front : à Kibati, moins de 150 mètres séparent les belligérants avec, entre les deux camps, des déplacés terrorisés. Alors que le CNDP a refusé samedi dernier de signer une déclaration conjointe de cessation des hostilités avec des représentants du gouvernement et a même refusé de s’engager à respecter son propre cessez le feu décrété fin octobre, l’armée congolaise a mis en garde contre un « risque d’affrontement imminent ».
Ce regain de tension survient alors que le Conseil de Sécurité vient d’élargir le mandat de la Monuc et de l’autoriser à utiliser « tous les moyens nécessaires » pour s’acquitter de ses missions. Ce feu vert politique ne signifiant pas, dans l’immédiat en tous cas, un renforcement des capacités militaires de la Monuc, les belligérants risquent de vouloir profiter du fait que les renforts promis ne sont pas encore arrivés, d’autant plus qu’aucune force européenne n’a été consentie pour favoriser cette soudure…
Goma vit dans la crainte d'une «reprise» des combats
(Cyberpresse 26/12/2008)
«Nous
sommes au courant des infiltrations des rebelles» et «s'ils essayent de
nous provoquer, ils auront leur sort», martèle le commandant d'une
brigade de l'armée congolaise dont les forces font face à celles des
rebelles sur une ligne de front près de Goma.
«Nous sommes au courant des infiltrations des hommes du CNDP
(Congrès national pour la défense du peuple, dirigé par Laurent Nkunda)
vers Kibati (15 km de Goma) à travers la brousse», déclare John
Kibangu, commandant de la 18e brigade intégrée des FARDC (Forces armées
de la République du Congo).
«Nous sommes prêts à nous défendre,
s'ils essayent de nous provoquer, ils auront leur sort», ajoute cet
officier dont les hommes sont positionnés sur la ligne de front de
Kimanioka, localité située à côté de Kibati.
Aux portes de Goma (capitale de la province du
Nord-Kivu), la ligne de front de Kibati - qui était considérée comme un
des points chauds de la guerre - est en quelque sorte figée depuis le
cessez-le-feu unilatéral du CNDP, fin octobre.
Mais l'armée
congolaise a mis en garde mardi contre un «risque d'affrontement
imminent» avec les rebelles dont le chef, Nkunda, a pourtant promis un
«moment tranquille» à l'occasion des fêtes de fin d'année. Forces
armées du FARDC et rébellion s'accusent depuis samedi d'opérer des
mouvements de troupes près du camp de déplacés de Kibati, à 15 km au
nord de Goma.
La crainte d'une reprise des affrontements s'est
également répandue parmi la population de Goma (environ 500.000
habitants), déjà éprouvée par les récents combats, et qui joue sa
survie économique face aux taxes imposées sur des produits de première
nécessité par des hommes du CNDP. Goma est située à seulement une
quinzaine de kilomètres du front. Or les riches terres agricoles sont
essentiellement situées de l'autre côté, en zone rebelle.
Le
président de la société civile du Nord-Kivu, Jason Lumen, ne fait pas
confiance aux hommes de Nkunda, qui ont infligé de sérieux revers à
l'armée congolaise et qui se sont arrêtés fin octobre aux portes de
Goma, sur les rives du lac Kivu, face au Rwanda. «Nous
vivons dans un climat permanent de peur car le CNDP est en train de
renforcer ses positions à Kibati et à Kimoka (30 km au sud-ouest de
Goma)», déclare ce responsable.
«Le CNDP, dit-il, prépare toujours la guerre, nous sommes dans l'inquiétude de ce qui pourrait arriver».
Partie
à la recherche de son mari dans les rues de Goma «pour voir s'il a
trouvé des sous pour les enfants» souffrant de «la malaria», une
habitante, Florence Sihiwa, dit être «très inquiète» pour l'avenir. «Je
suis très inquiète à cause de la situation d'insécurité dans la zone et
pour mes enfants qui ne mangent presque plus. Mon mari travaillait
avant à Rutshuru mais maintenant il est avec nous» à Goma, ajoute cette
mère de quatre enfants, vêtue d'un vieux pagne et portant un bébé sur
son dos.
Le
territoire de Rutshuru (80 km au nord de Goma), qui est aux mains des
hommes de Nkunda et d'où proviennent notamment maïs, haricot et manioc,
est ainsi la principale source d'approvisionnement de Goma. Les taxes
imposées par le CNDP ont fait exploser les prix des denrées
alimentaires dans cette région, pourtant considérée comme le grenier à
blé du pays. Le président du marché local, Fortin Kambale, dénonce la
«situation créée par les hommes de Nkunda».
«Nous savons,
dit-il, que le CNDP renforce ses positions autour de Goma. Cela nous
inquiète et en plus les prix ont explosé sur les marchés et les gens
n'achètent plus qu'au compte-goutte» . «Le CNDP a fixé des droits de
douane faisant augmenter les prix et c'est la population qui en
souffre».
Lors d'une visite mardi à Rusthuru, Nkunda avait affirmé se battre «pour le développement» et «pas pour l'argent».
Agence France-Presse, Goma
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